Quand j’étais enfant, nous allions en fin d’été cueillir des mûres dans les environs de Brest. Nous nous y rendions en compagnie de mes grands-parents, qui connaissaient les bons coins. Armés de seaux et de récipients en plastique pour les plus jeunes, nous récoltions plusieurs kilos.
De retour à la maison, ma grand-mère se lançait dans la préparation de la gelée. Je me rappelle que la cuisson était une étape délicate car il n’y avait pas de temps idéal.
Selon les fruits, selon la quantité d’eau qu’ils contenaient, pour une même durée de cuisson, on pouvait obtenir une gelée trop liquide ou alors une pâte presque solidifiée. Trop liquide, ce n’était pas trop grave, il suffisait de recuire la gelée jusqu’à la consistance désirée. Mais quand c’était trop cuit, il n’y avait plus rien à faire, sauf peut-être tenter le truc de la dernière chance, ajouter un jus de citron et recuire légèrement. Ça ne marchait pas à tous les coups.
En général, nous avions suffisamment de gelée de mûre pour tenir jusqu’en février-mars, sans consommer d’autres sortes de confitures. Lorsque le dernier pot était terminé, nous passions à la confiture d’abricot. Ma mère n’achetait jamais aucune autre confiture de celle d’abricot, en boîte de conserve. Nous rêvions de confiture de fraises, de crème de marrons, de confiture d’oranges. Nous en mangions chez notre père, lors des vacances, ou rarement chez des copines pour le goûter. Comme tout ce qui est inhabituel, nous les trouvions délicieuses, ces confitures qui n’étaient jamais dans nos placards.
Ma sœur en a conçu un dégoût permanent pour la confiture d’abricot, elle refuse d’en manger. Quant à moi, je veille à acheter de la confiture de qualité extra, et je l’aime beaucoup. Sur ce point-là, j’ai dépassé les mauvais souvenirs de l’enfance. Et je varie les parfums, pour profiter de tous les goûts de la nature mais je ne trouve jamais de gelée de mûre aussi bonne que celle de ma grand-mère.
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